Par une décision en date du 15 octobre 2018, le Conseil d’Etat considère que l’autorité administrative qui a pris une décision sur injonction du juge administratif dans le cadre de l’article L.521-1 du CJA, n’a pas qualité pour exercer une voie de recours contre une décision juridictionnelle rejetant la demande de tiers tendant aux fins d’annulation de cette décision. Il appartient seulement à cette autorité, si elle s’y croit fondée, d’exercer les voies de recours ouverte contre la décision juridictionnelle qui a prononcé l’injonction.

Le 10 mars 2014, la société Daniel Ashde a sollicité la délivrance d’un permis de construire pour un immeuble comprenant treize logements situé avenue Joseph Chaillet aux Sables-d’Olonne. Après le refus de la Commune, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes. Par une première ordonnance du 7 août 2014, le tribunal administratif de Nantes a suspendu cette décision et a enjoint au maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande. Pour autant, le maire des Sables-d’Olonne a de nouveau opposé un refus à la demande de permis de construire de la SAS Daniel Ashde pour des motifs différents.

Saisissant à nouveau le juge des référés, la société requérante a obtenu du tribunal, par une seconde ordonnance en date du 28 janvier 2015, la suspension du dernier arrêté de refus et une injonction au maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande. Par arrêté du 19 février 2015, le maire a délivré à la société un permis de construire provisoire en exécution de cette ordonnance.

Par la suite, un jugement du 13 décembre 2016, dont la commune a interjeté appel, le tribunal administratif de Nantes, statuant au fond, a annulé les refus de permis de construire deux refus de permis précités. Par jugement du même jour, le tribunal a rejeté la requête de plusieurs riverains, tendant à l’annulation du permis de construire provisoire , Interjetant appel contre ce dernier jugement, la cour administrative d’appel de Nantes a toutefois rejeté l’appel formé par la commune des Sables-d’Olonne contre ce jugement au motif que la commune n’a pas intérêt à solliciter l’annulation du permis qu’elle a elle-même délivré.

C’est dans ce cadre que la commune se pourvoit en cassation.

La question soumise au conseil d’Etat portait sur l’intérêt à agir d’une Commune à l’encontre d’une autorisation provisoire d’urbanisme délivrée en exécution d’une ordonnance du juge des référés.

Il apparait que la commune soutenait qu’elle a intérêt à ne pas laisser le permis provisoire devenir définitif par suite du rejet de la requête dirigée à son encontre par les tiers, ce qui, était de nature à lui conférer un intérêt à agir.

Or, le régime des autorisations d’urbanismes provisoires ne prévoit pas une telle hypothèse.

En effet, par application de la décision Commune de Bordeaux, (CE, Sect. 7 oct. 2016, req. n° 395211), on sait d’une part, un permis de construire délivré à la suite du réexamen ordonné dans le cadre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative et pour l’exécution de l’ordonnance du juge des référés revêt un caractère provisoire. D’autre part, que ce permis peut être retiré à la suite du jugement rendu au principal sur le recours pour excès de pouvoir formé contre la décision initiale de refus :

–       sous réserve que les motifs de ce jugement ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à ce que l’administration reprenne une décision de refus ;

–       et à condition que la décision de retrait intervienne dans un délai raisonnable, qui ne peut, eu égard à l’objet et aux caractéristiques du permis de construire, excéder trois mois à compter de la notification à l’administration du jugement intervenu au fond.

C’est en s’appuyant sur cette considération que le Conseil d’Etat a rejetté le pourvoi de la Commune en « Considérant que l’autorité administrative qui a pris une décision sur injonction du juge administratif, qu’il lui ait été ordonné de prendre une mesure dans un sens déterminé ou de statuer à nouveau sur la demande d’un administré, n’a qualité ni pour demander l’annulation ou la suspension de sa propre décision, ni pour exercer une voie de recours contre une décision juridictionnelle rejetant la demande de tiers tendant aux mêmes fins ; qu’il appartient seulement à cette autorité, si elle s’y croit fondée, d’exercer les voies de recours ouvertes contre la décision juridictionnelle qui a prononcé l’injonction ; »

Autrement dit, la commune ne saurait se cacher derrière le caractère provisoire du permis pour se constituer un intérêt à agir afin poursuivre à la place des riverains l’action qu’ils avaient engagée. D’autant que, et le Conseil prend bien le soin de le souligner, elle reste libre d’exercer les voies de recours ouvertes contre la décision juridictionnelle qui a prononcé l’injonction.

 

CE, Commune des Sables-d’Olonne, 15 oct. 2018, n° 416670